Le pédicure-podologue face aux dérives sectaires"
Un contexte réglementaire :
D'un point de vue déontologique
- Le secret professionnel :
Art. R. 4322-35 - Le secret professionnel s'impose à tout pédicure-podologue, dans les conditions prévues par l'article L. 1110-4 du présent code. Le pédicure-podologue doit veiller à ce que les personnes qui l'assistent soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment.
- L’immixtion dans les affaires de famille :
Art. R. 4322-51. - Le pédicure-podologue ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers le patient et sa famille. Il doit respecter leur intimité et leur dignité. Il ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires personnelles ou familiales de son patient.
- Possibilité de signalement
Art. R. 4322-57. - Si le pédicure-podologue constate, à l'occasion de l'exercice de sa profession, qu'une personne a subi des sévices ou des mauvais traitements ou si son attention est appelée par des marques visibles d'agression ou de contrainte, il doit, sous réserve de l'accord de l'intéressé, en informer l'autorité judiciaire.
- Les sévices
Art. R. 4322-58. - Lorsqu'un pédicure-podologue discerne qu'un mineur ou qu'une personne vulnérable est victime de mauvais traitements, de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger et alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives compétentes.
- Dans le cadre de pratiques déviantes de la part du professionnel de santé :
Art. R. 4322-36 - Tout pédicure-podologue doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. Il lui est interdit d'exercer en même temps que la pédicurie-podologie une autre activité incompatible avec les règles applicables à la profession.
Art. R. 4322-40 - Le pédicure-podologue doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
Art. R. 4322-48 - Il est interdit au pédicure-podologue :
· de divulguer prématurément auprès des professionnels de santé en vue d'une application immédiate un procédé de traitement nouveau et insuffisamment éprouvé s'il n'a pas pris le soin de les mettre en garde contre les dangers éventuels qu'il pourrait comporter ;
· de divulguer ce même procédé auprès d'un public non professionnel quand son efficacité et son innocuité ne sont pas démontrées ;
· de tromper la bonne foi des praticiens ou de la clientèle en leur présentant comme salutaire et sans danger un procédé insuffisamment éprouvé.
D'un point de vue pénal
Article 226-13 - La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
Article 226-14 - L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire.
Article 223-6 du code pénal - Non-assistance à personne en danger
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Le pédicure-podologue et le patient :
Le pédicure-podologue a un patient membre d'un mouvement sectaire
Le pédicure-podologue évaluera et appréciera en conscience le risque au regard de la santé pour son patient du fait de son appartenance à un mouvement sectaire. Il veillera à ne pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille, ni dans la vie privée de ses patients, conformément aux dispositions de l’article 51 du Code de déontologie du pédicure-podologue.
Dans ce cas de figure, l’expertise du conseil régional de l’ordre des pédicures-podologues semble requise qui si besoin prendra contact avec la Miviludes sur le mouvement sectaire et saisir éventuellement le référent sectes de l’ARS territorialement compétente.
A l’issue de ces démarches auprès des autorités ordinales et administratives, si le praticien a acquis la conviction que son patient :
- encourt un danger, il tentera de le convaincre de la dangerosité des pratiques prônées par le mouvement sectaire ou par le pseudo praticien ;
- a subi sur le plan physique ou psychique, des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toutes natures. pourra avec l’accord du patient informer le procureur de la République. Il pourra avec l’accord de son patient informer le procureur de la République.
Il convient de préciser que les dispositions de l’article 226-13 du code pénal ne sont pas applicables dans une telle situation conformément aux dispositions de l’article 226-14 du Code pénal.
Le pédicure-podologue peut avoir un patient qui recourt à des méthodes thérapeutiques pouvant le mettre en danger.
Exemple d’un patient avec un mélanome cutané localisé au pied qui a recours a des méthodes prônant le traitement du cancer par de pseudos thérapies (kinésiologie, kephrénologie, réflexologie plantaire….) Pratiques au départ qui ne sont pas forcément nocives, mais qui deviennent dangereuses lorsqu’elles sont utilisées comme des médecines de substitution.
Exemple d’un patient qui présentait des douleurs abdominales traitées par des séances de réflexologie plantaire. Mais ces douleurs étaient dues à un cancer détecté malheureusement trop tardivement.
Face à mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, le pédicure-podologue adressera un signalement au procureur de la République, près le tribunal de grande instance du lieu de résidence habituel du mineur. Une permanence est assurée 24 heures sur 24. Les commissariats de police et brigades de gendarmerie disposent de la liste des magistrats de permanence et de leurs coordonnées téléphoniques.
En urgence, le magistrat peut intervenir pour prendre toute mesure conservatoire et notamment le « placement » du mineur.
Le pédicure-podologue soupçonne un patient d'avoir été approché par un nouvement sectaire
Exemple d’un patient isolé, psychiquement fragilisé par un deuil approché par une secte (témoin de Jehova) qui devient par des attitudes attentionnées le seul lien social régulier La relation de confiance entre le praticien et son patient, le pédicure-podologue passant de 30 à 40 minutes avec son patient peut facilement devenir un confident…
Le pédicure-podologue s’assurera grâce à un faisceau d’indices indiqués ci-dessous que ses soupçons sont fondés, si son patient souhaite :
- renoncer à son traitement conventionnel tout en faisant l’éloge de traitements parallèles qui lui ont été présentés par un mouvement ou un pseudo thérapeute ;
- utiliser des produits et /ou des appareils susceptibles de constituer un danger pour sa santé ;
- se conformer à des pratiques alimentaires manifestement dangereuses pour sa santé ;
- rompre avec l’environnement familial, social et professionnel.
Si les soupçons portent sur la prise en charge thérapeutique d’un enfant au travers de méthodes non éprouvées, le pédicure-podologue se référera aux réponses apportées aux questions précédentes.
Si le pédicure-podologue a acquis la conviction que son patient a été approché par un mouvement sectaire ou par un pseudo thérapeute déviant, il devra :
- le diriger vers la MIVILUDES.
- Lui indiquer l’existence d’associations d’aide aux victimes qui pourront l’informer sur le mouvement par lequel il a été approché :
- L’ UNADFI
- Le CCMM
Le pédicure-podologue est confronté à un patient qui refuse des soins indispensables
Exemple d’un patient avec une lésion cutanée ou unguéale extrêmement suspecte, type mélanome qui visiblement est réticent aux traitements éprouvés de la médecine traditionnelle et qui ne consultera pas…
Exemple d’un patient avec un ongle incarné infecté avec risque de lymphangite, sur terrain diabéto-artéritique qui refuse un soin …
En l’état actuel du droit,le patient doit être informé sur son état de santé conformément aux dispositions de l’articleL 1111-2 du Code de la santé publique qui dispose que:" Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. "
Cette disposition ne dispense pas le pédicure-podologue de tout mettre en œuvre afin de tenter de convaincre le patient d’accepter les soins indispensables ou de consulter les professionnels de santé concernés par la pathologie en question.
Il convient de rappeler qu’aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. Ce consentement peut être retiré à tout moment.
Le fait d'intervenir sur un patient contre son consentement est pour un professionnel de santé une faute qui engage sa responsabilité civile et l'expose à une sanction disciplinaire.
Face à des croyances sectaires, le pédicure-podologue devra respecter la volonté des patients, après les avoir informés des conséquences de leur refus. En cas de risque vital, le pédicure-podologue se doit d’agir en conscience. Il se trouve de fait soumis à une obligation de conviction.
- L’article L.1111-6 du Code de santé publique dispose que toute personne majeure hospitalisée dans un établissement de santé peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin.
Cette désignation faite par écrit, est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le malade n'en dispose autrement.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée.
Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci.
L’expérience montre que pour les personnes appartenant à un mouvement sectaire, la personne de confiance peut être elle-même adepte de ce mouvement. Dans ce cas, il conviendra d’en informer l’Ordre et le cas échéant saisir le juge des tutelles ou le procureur de la République près le tribunal de grande instance du lieu de votre siège qui appréciera notamment l’opportunité d’une mesure de protection judiciaire.
- Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables
Le pédicure-podologue suit un patient qui n’a aucune couverture vaccinale ; le dialogue qu’il entretient laisse présupposer son appartenance à un mouvement sectaire
Exemple le pédicure-podologue devant toute lésion avec effraction cutanée demandera si le patient est à jour de sa vaccination contre le Tétanos.
Certains mouvements sectaires sont opposés à des pratiques médicales usuelles comme la vaccination. Il appartient au pédicure-podologue d’engager le dialogue avec son patient, ou bien en cas de jeune patient mineur, avec les parents ou la personne qui assure la tutelle de celui-ci, pour connaître les raisons qui conduisent au refus de vaccination. Il essayera également de les convaincre de la nécessité de se faire vacciner.
Le pédicure-podologue soupçonne une situation de maltraitance
L’article R4322-35 du Code de la santé publique impose le secret professionnel aux pédicures-podologues. Il doit toujours être respecté, mais seule la loi permet d’y déroger, notamment en cas de : « Mauvais traitements infligés à des mineurs ou à une personne incapable de se protéger (art. 226-14, 2° du code pénal). Bien que cet article vise les médecins, ses dispositions sont transposables à tous professionnels de santé car on ne parle plus désormais de secret médical mais d’un secret détenu par une personne qui en est dépositaire de par sa profession. Cet article autorise donc les pédicures-podologues qui en ont connaissance à dénoncer les sévices et privations.
Le pédicure-podologue et sa pratique :
Le pédicure-podologue soupçonne soit un confrère, soit un autre professionnel de santé d’avoir un comportement à dérive sectaire
Lorsqu’il s’agit d’un confrère, le pédicure-podologue veillera par tous les moyens légaux à confirmer l’existence de signes évocateurs d’une dérive sectaire. Il alertera son conseil régional des pédicures-podologues tout en veillant au respect des dispositions de l’article 62 du code de déontologie des pédicures-podologues qui rappelle que : « les pédicures-podologues doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité ».
En cas de soupçons concernant un autre professionnel de santé, le pédicure-podologue alertera :
- l’Ordre du professionnel de santé s’il en existe un ;
- l’agence régionale de santé territorialement compétente ;
- La Miviludes.
Le pédicure-podologue informera son conseil régional (CROPP) de toutes ses démarches.
Le pédicure-podologue est démarché par un individu ou par un organisme qu’il soupçonne de dérives sectaires
Le pédicure-podologue peut se voir proposer la vente de produits dans un réseau de vente multi-niveaux ou de produits présentés par leur concepteur comme ayant des vertus thérapeutiques.
Il peut également se présenter des formations à des méthodes non conventionnelles à visées thérapeutiques.et dont le discours des formateurs rejettent toutes autres formes de traitement conventionnels
Le pédicure-podologue informera parallèlement :
Le Conseil national de l’Ordre des pédicures-podologues
- La Miviludes.
- L’AFSSAPS et l’ARS (pour les produits présentés comme ayant des vertus thérapeutiques)
Il essayera d’étayer son signalement par un maximum d’éléments collectés auprès du démarcheur.
Le pédicure-podologue suit une formation ou participe à un congrès où sont enseignés des thérapeutiques / où sont présentés des produits/médicaments qui peuvent laisser supposer une dérive sectaire.
La présence du pédicure-podologue à la formation ou au congrès lui permet de recueillir les documents proposés par les organisateurs sur les thérapeutiques, les produits ou médicaments proposés laissant supposer une dérive sectaire.
Il transmettra toutes les informations collectées à son Ordre qui alertera, le cas échéant, les autorités compétentes.
Le comportement du pédicure-podologue fait évoquer une dérive sectaire
- Des pédicures-podologues utilisent des méthodes charlatanesques et font de la publicité de celles-ci sur un site Internet ;
- Usent du titre de docteur de médecine à des fins commerciales ;
- Enseignent des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique à des personnes n’ayant aucune qualification. Ces formations sont présentées par leurs concepteurs comme certifiantes ;
- Des pédicures-podologues appartenant à des mouvements sectaires et appliquant des méthodes non éprouvées font courir des risques à leurs patients ;
- Des pédicures-podologues appartenant à des mouvements sectaires et utilisant leur titre de diplômé d’Etat pour se faire nommer personne de confiance par des malades psychiques ayant fait l’objet d’une hospitalisation sans consentement ;
- Des pédicures-podologues qui sous couvert d’un soutien moral exercent une emprise mentale afin de détourner les biens de leurs malades.
Toutes ces conduites contreviennent aux dispositions du code de déontologie des pédicures-podologues et en particulier aux articles 36, 40 et 48 qui rappellent les devoirs généraux des pédicures-podologues et les devoirs envers les patients.
Ces infractions qui relèvent de la juridiction disciplinaire de l’Ordre, se doublent d’infractions au Code de la santé publique
- Guide en téléchargement :
Santé et dérives sectaires